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Rafael Zegarra-Parodi

PORTRAIT DE Rafael Zegarra-Parodi

Dites-nous en un peu plus sur vous !

Je suis péruvien et français, et cette double culture m’a amené à découvrir, avec le même regard critique, les traditions de soins occidentales et traditionnelles. L’esprit de curiosité qui m’a été insufflé lors de ma formation anglo-saxonne m’a toujours poussé à essayer de mieux comprendre ces deux visions dans lesquels la santé, les symptômes, la maladie et les traitements sont interprétés de façon différente. J’ai donc été progressivement amené à percevoir ma profession sous ses deux principaux aspects actuels, l’un plutôt occidental et l’autre plutôt traditionnel, qui ont été apportés par A.T. Still lui-même dans les principes et les pratiques de l’ostéopathie.

 

                  J’ai en premier lieu appréhendé nos pratiques professionnelles sous l’angle de l’Evidence-Based Practice (EBP), car c’est actuellement le meilleur outil disponible pour une prise en charge optimale de nos patients. C’est pour mieux orienter ma pratique clinique que je me suis intéressé à comment développer l’un des trois piliers de l’EBP, à savoir les meilleurs niveaux de preuves disponibles. C’est ainsi que j’ai commencé à publier des articles scientifiques, puis à présenter nos travaux dans différents congrès professionnels et scientifiques. Cela m’a conduit à créer puis structurer le département recherche du CEESO Paris, à devenir chercheur à temps plein à l’A.T. Still Research Institute à Kirksville aux États-Unis pendant 2 ans, à être responsable des mémoires de fin d’études au sein de l’University College of Osteopathy à Londres et à être actuellement éditeur associé de l’ International Journal of Osteopathic Medicine.

 

                  Mon chemin personnel m’a ensuite rapproché des médecines traditionnelles amérindiennes en rencontrant et travaillant avec des hommes et femmes-médecine Lakota, une tribu amérindienne d’Amérique du Nord ainsi qu’avec des curanderos Shipibos, une tribu de l’Amazonie péruvienne. Ce qui a été fascinant pour moi a été de retrouver cet héritage traditionnel retrouvé encore de nos jours dans certains principes et pratiques en ostéopathie et que nous venons de décrire dans nos récentes publications scientifiques autour de l’application clinique du principe ostéopathique « body-mind-spirit », un principe qui a été introduit en 2002 lors de la dernière mise à jour aux USA. Cela n’est pas si surprenant que cela car A.T. Still, fondateur de l’ostéopathie, a vécu avec sa famille dans une réserve amérindienne Shawnee a probablement observé les principes des soins traditionnels amérindiens et a été influencé dans son interprétation de concepts tels que la santé, la maladie et les approches thérapeutiques individualisées prenant en compte l’interaction de chaque individu avec son environnement.

 

                  Je suis aujourd’hui ostéopathe exerçant en libéral à Paris depuis 1999, je suis chercheur (h-index: 5) et je suis également formateur. J’ai créé en 2019 un organisme de formation, BMS Formation, afin de partager l’ensemble de ces expériences professionnelles afin de décrire et transmettre cette double culture de soins historiquement présente en ostéopathie depuis ses origines afin que les professionnels puissent s’adapter au mieux aux demandes spécifiques de leurs patients.


Quel regard portez-vous sur l’ostéopathie aujourd’hui ?

 

“nous avons l’impératif de promouvoir les principes et les pratiques en ostéopathie mais lorsque certains modèles sont contredits par la science, il convient d’en proposer de nouveaux pour décrire ces mêmes compétences professionnelles.

L’ostéopathie en France est très populaire auprès des patients et nous devons nous féliciter de cet engouement pour cette approche non médicamenteuse qui promeut une meilleure qualité de vie. Pour autant cette satisfaction de nos patients, indéniable, ne devrait pas nous exonérer d’une réflexion éthique sur le plan académique et nous devons s’assurer collectivement que les prochaines générations d’ostéopathes seront en mesure de recevoir également les compétences professionnelles qui nous ont été transmises. En effet, entre la science, les pseudosciences et notre héritage issu des médecines traditionnelles, comment faire vivre aujourd’hui les spécificités de nos principes et pratiques en ostéopathie dans notre environnement médico-social actuel régulé par l’EBP ? Selon l’approche cyclique décrite en sciences par Thomas Kuhn, une révolution des modèles de pratique nous semble nécessaire en ostéopathie afin d’utiliser les outils disponibles aujourd’hui pour préserver l’ensemble de notre héritage professionnel et continuer de répondre aux demandes spécifiques de nos patients. 

 

Notre problématique actuelle est donc académique et certains pays ayant réglementé l’ostéopathie ont dû se séparer de certaines approches thérapeutiques telles que le crânien et le viscéral pour se focaliser sur la prise en charge musculosquelettique. Étant toujours affilié à l’ATSU, la première université d’ostéopathie créée par A.T. Still lui-même, et comme tous les professeurs de cette université, nous avons l’impératif de promouvoir les principes et les pratiques en ostéopathie mais lorsque certains modèles sont contredits par la science, il convient d’en proposer de nouveaux pour décrire ces mêmes compétences professionnelles. Il est important de noter que cette démarche d’EBP, bien que non mentionnée explicitement, fait désormais partie des compétences professionnelles du Décret n° 2014-1505 du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie. Cette évolution de nos pratiques doit également se faire auprès des ostéopathes déjà en exercice qui n’ont pas reçu ce type d’enseignement, désormais obligatoire pour obtenir le titre d’ostéopathe en France, et nous permettre de mieux décrire les spécificités de notre travail et ainsi de mieux communiquer auprès de leurs patients et des autres professionnels de la santé.

 

Quels sont les ostéopathes ou autres personnages qui vont ont inspirés tout au long de votre carrière ? 

Tout d’abord, je vous remercie pour cette question car nous avons rarement l’occasion de remercier et d’honorer celles et ceux qui ont pu nous inspirer et auprès de qui nous avons tant appris sur le plan professionnel que personnel. J’ai eu la chance de côtoyer de grands leaders sur le plan académique de notre profession qui ont su créer de nouveaux chemins comme Dr Ian Drysdale, le directeur du BCOM à Londres qui a été la première institution en Europe à faire valider son cursus par une université ; Dr Brian Degenhardt, le fondateur et directeur de l’A.T. Still Research Institute, qui a créé le principal centre de recherche en ostéopathie au monde ; Steve Vogel, le directeur de la recherche à l’University College of Osteopathy, qui est la première institution en Europe à devenir une université capable de délivrer ses propres Masters ; et plus récemment, Dr Francesco Cerritelli, le fondateur et président de la fondation à but non lucratif de recherche COME Collaboration qui supervise les principales recherches scientifiques en ostéopathie actuellement en Europe. Pour ce qui est de ma pratique libérale, mes mentors sont José Kunzler sur le plan technique, Édouard-Olivier Renard sur le plan clinique et Dr Jason Gilbert, chiropraticien, sur les savoir-être professionnels.

 

À quel moment avez-vous ressenti le besoin de transmettre ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ?

J’ai toujours considéré que c’étaient aux ostéopathes de s’adapter aux demandes spécifiques de nos patients et non aux ostéopathes d’appliquer tel ou tel arsenal technique ; c’est ce qui a suscité ma grande curiosité et m’a permis de rencontrer et d’échanger avec de nombreux professionnels tant en France qu’à l’étranger. L’esprit critique a, pour ainsi dire, toujours été présent depuis mes études et je ne vois pas de réel élément déclencheur. Mon parcours professionnel dans différents environnements académiques et culturels de santé m’a progressivement amené à partager mes points de vue au travers de publications scientifiques, de présentations dans des congrès puis auprès de stagiaires en tant que formateur. En tant qu’ostéopathe, mes centres d’intérêts ont évolué au fil du temps, avec à mes débuts une approche centrée sur la recherche de dysfonctions à manipuler, qui a par la suite inclut l’interprétation et la compréhension que chaque patient donne à ses symptômes physiques. Je ne vois pas d’approches supérieures à d’autres mais certaines qui seront plus adaptées que d’autres en fonction de la demande spécifique de nos patients avec des approches techniques qui feront également plus sens que d’autres.

Étant toujours affilié à l’A.T Still Research Institute à Kirksville, j’ai pu observer tout à la fois la part grandissante de l’EBP au sein de nos systèmes de santé occidentaux et la réticence voire la méfiance de certains ostéopathes. Comme indiqué précédemment, cela fait désormais partie intégrante de la formation actuelle des ostéopathes en France et c’est à nous, ostéopathes et formateurs, de s’assurer que les compétences professionnelles que nous avons historiquement développées puissent désormais être décrites avec un langage également compréhensible par les autres acteurs de la santé. Notre ambition est de mettre à la disposition des professionnels en exercice qui souhaitent intégrer durablement notre environnement médico-social des compétences professionnelles dans un cadre tout à la fois rationnel et spécifique à l’ostéopathie.

Quelle(s) formation(s) animez-vous  ?

Nos formations sont toutes conformes à notre Vision de promouvoir l’ensemble des compétences professionnelles techniques et relationnelles historiquement développées par les ostéopathes. J’anime au sein de BMS Formation des formations classiques, une sur l’utilisation du modèle biopsychosocial dans la relation thérapeutique et une autre sur les techniques structurelles rachidiennes anglo-saxonnes. J’anime également d’autres formations, plus novatrices, qui Яevisitent certaines compétences professionnelles en ostéopathie avec les neurosciences des perceptions et de la douleur et lors desquelles les échanges entre pairs et partages d’expériences sous forme de superVision ont une place importante.

 

Notre offre comporte 5 formations continues qui permettent à chaque ostéopathe de mieux accompagner leurs patients :

Яevisiter les principes et les pratiques en ostéopathie avec les neurosciences avec la formation (Я)EVOLUTION en présentiel ou la formation superVision professionnelle en distanciel;

Яevisiter les techniques crâniennes, viscérales et myofasciales en ostéopathie avec les neurosciences des perceptions avec la formation #native;

Яevisiter la relation thérapeutique ostéopathe-patient avec le modèle bio-psychosocial avec la formation #spidi;

– Les techniques manipulatives rachidiennes anglosaxonnes en ostéopathie avec la formation #hope.

 

BMS Formation est Datadocké et certifié Qualiopi, ce qui permet à nos stagiaires de demander une prise en charge par le FIFPL. Il est donc important de noter que toutes nos formations rentrent dans des thèmes cœur de métier (prioritaires), c’est-à-dire choisis par la section technique « ostéopathie » du FIFPL qui définit les principaux axes à privilégier pour la formation continue des professionnels.

Pourquoi avez-vous créé cette ou ces formation(s) ?

Il nous semble que l’ostéopathie a historiquement eu plus à proposer aux patients qu’une prise en charge de douleurs musculo-squelettiques et que ce serait restrictif à long terme de rester dans ce champ de compétences. Dans le même temps, les modèles de pratique en ostéopathie susceptibles de justifier d’autres champs de compétences sont désormais contredits par la science. Nous avons ainsi décidé de prendre nos responsabilités et montrer que c’est aux ostéopathes et à eux seuls de pouvoir développer de nouveaux modèles de pratiques appuyés par la science. Notre choix assumé chez BMS Formation est d’avoir intégré l’héritage des médecines traditionnelles introduit par A.T. Still dans les principes et pratiques de notre profession aux approches contemporaines afin de réfléchir à de nouveaux modèles de pratique. Notre cadre académique sur lequel repose notre pédagogie repose sur 3 articles scientifiques dont je suis le premier auteur qui ont été publiés récemment dans l’International Journal of Osteopathic Medicine. J’ai également présenté en août 2021 un webinaire de formation continue d’une heure à l’ATSU à Kirksville (USA) qui est en accès libre. Ce cadre pédagogique a également été longuement détaillé au niveau professionnel dans le numéro #44 d’Ostéomag par Reza Redjem-Chibane, le rédacteur en chef de cette revue, qui était venu participer aux versions pilotes de nos formations.

                  Nous sommes ainsi depuis le départ de BMS Formation dans une démarche de partages de savoirs et d’échanges entre pairs car nous avons souhaité que tous nos supports soient accessibles dans nos articles, nos webinaires, nos podcasts et les reportages faits sur notre Team composés d’ostéopathes formateurs. Il s’agit pour nous de proposer d’utiliser tous les principes ostéopathiques, dont le « body-mind-spirit » introduit en 2002, dans la pratique contemporaine des ostéopathes. Nous diffusons l’ensemble des savoirs afin que les ostéopathes puissent se focaliser sur les savoir-faire et savoir-être lors de nos formations. Si nous nous focalisons sur ce principe, c’est parce que l’ostéopathie est la seule profession manuelle à avoir explicitement intégré ce principe issu des médecines traditionnelles et nous le considérons comme une véritable richesse susceptible d’encadrer des compétences professionnelles que viennent chercher certains de nos patients.

                  Vidéo de présentation de BMS Formation par Rafael Zegarra-Parodi: 

 

 

Quels nouveaux outils vos futurs stagiaires auront en leur possession après avoir réalisé votre formation ?

Notre Mission est de proposer aux ostéopathes des modèles de pratique appuyés par la science qui puissent préserver toutes les compétences professionnelles historiquement développées par les ostéopathes et plébiscitées par les patients. Cette démarche EBP va permettre aux ostéopathes de mieux décrire les spécificités de leur travail et ainsi de mieux communiquer auprès de leurs patients et des autres professionnels de la santé. Notre Vision de l’ostéopathie se trouve à la croisée des approches modernes, occidentales, analytiques, et des approches traditionnelles et intuitives que l’on développe dans nos formations continues novatrices. Cette spécificité de l’ostéopathie permet aux professionnels de s’adapter aux demandes spécifiques de chaque patient que ce soit au sein de l’alliance thérapeutique (la relation patient-praticien tout au long de la consultation d’ostéopathie) ou sur le choix des techniques ostéopathiques à proposer aux patients, qu’elles soient plutôt de type proprioceptives (techniques manuelles avec induction de mouvement articulaire comme les manipulations et mobilisations) ou de type intéroceptives (techniques manuelles avec un toucher léger et constant sans induction de mouvement articulaire comme les techniques crâniennes, viscérales ou myofasciales). En rendant ainsi « visible » ce qui est encore « invisible » aujourd’hui grâce à la science, cela va nous permettre collectivement de conserver l’intégralité des approches thérapeutiques au sein du patrimoine ostéopathique qui nous a été légué et qui, surtout, est plébiscité par nos patients.

Webinaire de l’ATSU sur l’utilisation du principe ostéopathique « body-mind-spirit » par Rafael Zegarra-Parodi : https://www.do-touch.net/forums/topic/2021-08-20-lets-talk-about-omm-research-episode-11/
(inscription gratuite préalable au réseau de praticiens DO-Touch.NET)

Le mot de la fin ?

A.T. Still disait dans son Autobiographie en 1897: «Une nécessité absolue de révolution s’impose à nous aujourd’hui ; la nécessité de franchir une étape supplémentaire dans le traitement de la maladie. Les résultats obtenus nous ont satisfaits et, jour après jour, nous nous sommes laissés dominés par la forme, répétant ce que nous avons déjà fait. Les mains sont très en avance sur la pensée.»

 

Je pense que le monde académique de l’ostéopathie a aujourd’hui également besoin d’une révolution, c’est-à-dire étymologiquement de revenir au point de départ de l’ostéopathie, en intégrant son héritage issu des médecines traditionnelles à l’approche contemporaine EBP grâce aux opportunités que nous offrent les modèles scientifiques actuels. Cette double culture est unique dans le champ des thérapies manuelles et l’utilisation dans la pratique clinique du principe ostéopathique « body-mind-spirit » faciliterait une approche contemporaine pour répondre aux demandes spécifiques de patients. Au sein de BMS Formation, nous nous attachons à proposer aux ostéopathes d’aujourd’hui de nouvelles perspectives d’évolution dans leurs pratiques professionnelles pour améliorer une offre de soins rationnelle aux patients qui préserve toute la diversité et la richesse de notre héritage professionnel.

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